Extrait de "Dauntless-Helldiver"
par A Crosnier et JP Dubois
(Editions DTU)

Nous marchons vers Haïphong. En cours de route, une opération est décidée.
Je me laisse prendre au piège de l'action et demande à participer à la mission. Après avoir alerté tout le monde, et après que le lieutenant de vaisseau Hervio, commandant l'escadrille des "Helldiver" eût accepté d'être mon pilote, il m'est impossible de reculer.
J'en suis quitte pour une assez mauvaise nuit.

Le lendemain, habillé très tôt de pied en cap, casque, combinaison de vol, cartes, boussole, poudre antirequins, pharmacie, je connais l'attente mi-nerveuse, mi-sereine, des équipages dans la salle d'alerte. Tous ceux avec qui j'ai bavardé, officiers et marins, les lieutenants Vercken, Caron, Brunet, les mécaniciens Colonna, Sommier, le second-maître Cleroux qui est, en France, un de mes voisins, l'ingénieur mécanicien Thomas, tous ceux dont je connais le visage et d'on j'ai oublié le nom, sont affairés autour des appareils. Après les rapides et brutales bordées de Saigon, ils retrouvent la joie secrète, leur métier de manieurs de bombes, d'hélices ou de pistons.

Nous sommes catapultés.
Sanglé dans la tourelle du mitrailleur, je devine les ordres que j'ai entendu donner à ceux qui nous ont précédés. "Les hommes de cales, aux cales. Dégagez les hélices. En route." Le départ est moins brutal que je ne l'avais imaginé.

Par le micro, Hervio m'ordonne de fermer la verrière. Nous volons dans les nuages, en direction de la côte adverse. Piqués, ressources, piqués. Un pont qui disparaît dans un remous. L'action, la participation au combat, le fait d'être à peine enfermé, le buste en plein ciel sous le plexiglas, l'amitié de mon pilote qui, par micro, brièvement, "explique le coup", tout cela contribue à la victoire sur la peur. Sur les routes de zone viêt, des trous d'hommes. Dans les champs, des 'formes étendues. A mon soulagement, nous ne mitraillons pas.

Vol important pour moi. Il a illustré, on ne peut mieux, les contrastes de cette guerre où, avec d'importants moyens techniques et des hommes forgés aux disciplines de la guerre la plus moderne, nous menons un combat contre un ennemi invisible, passé maître dans l'art du camouflage, de la dissolution dans l'espace, riche de sa pauvreté qui le rend astucieux et rusé.

Atterri à Cat Bi. Je trouve un avion qui me rapatriera à Saigon ".