Cette étude a été publiée dans la revue
"Le Fanatique de l'Aviation" n° 94 (septembre 1997).
Elle est extraite du livre
"Les Avions Bréguet 1940-1971" de Jean Cuny et Pierre Leyvastre
paru dans la collection DOCAVIA sous le n° 6.

Le Programme de la Marine Nationale qui demandait un biplace embarqué d'attaque, à propulsion mixte, avait beaucoup évolué de 1946 à 1952 : les développements du dessin Breguet de base, le Br 960 " Vultur " avaient de même évolué pour aboutir au Br 962 ASM (anti-sous-marins) ". Lorsque l'Aéronavale décida de passer commande à Breguet d'un appareil de série, il fallut se livrer à un considérable travail de redessin, visant à éliminer les caractéristiques inutiles héritées du 960, tout en simplifiant et modernisant la structure. A cette époque l'avion devait s'appeller Breguet 966 mais des considérations plutôt administratives ou budgétaires que techniques, firent abandonner cette désignation. Les premiers documents portant le nouveau numéro de type, Br 1050, montrent toutefois encore l'empennage caractéristique des " Vultur " et le pare-brise à 4 glaces planes des projets ASM de cette famille. L'aile, sans flèche, était celle dessinée lors des études F6 et F6 bis permettant une meilleure hypersustentation que la voilure des " Vultur ", parce que tolérant mieux les volets à grande profondeur. Les nacelles de voilure, héritées des mêmes études de Br962, abritaient des roues principales désormais jumelées (" diabolos ").

La principale innovation consistait en l'adoption d'un turbopropulseur Rolls-Royce Dart, d'une fiabilité très supérieure à celle qu'avait démontré jusque-là les Armstrong-Siddeley Mamba, prévus pour à peu près toutes les variantes étudiées du " Vultur " et même envisagées un instant pour le futur " Alizé " sous leur forme jumelée (" Twin-Mamba "). Le Dart laissait présager des augmentations de rendement plus importantes, en cours de carrière future, et, en outre, Rolls-Royce offrait d'emblée une version navalisée de ce GTP, à ses frais. Non seulement cette firme offrait un produit supérieur, mais encore son offre de coopération tranchait avec l'attitude cavalière, sinon méprisante, qui avait été celle d'Armstrong-Siddeley depuis les débuts des " Vultur " ! Le modèle retenu était le Dart R.Da.6, alors monté sur " Viscount 800 " et sur " Friendship " ; il devait laisser la place très tôt au R.Da.20, de même puissance (1 600 ch sur l'arbre) puis au R.Da.21 monté sur les avions de série (1 950 ch).

Connue il était d'usage chez Breguet, le futur appareil fit l'objet d'importants essais en soufflerie : maquette motorisée à l'échelle 1/8, éléments de voilure et d'empennage au 1/2,5, maquette d'essais de vrille au 1/20, maquettes d'amerrissage forcé au 1/8 et 1/16, etc...

Il en résultat des modifications importantes de l'empennage, redessiné et de dimensions plus généreuses pour tenir compte, en particulier, de l'augmentation de puissance. On adopta des karmans moins importants, mais plus efficaces, raccordant la voilure au fuselage, et des nacelles d'aile bulbeuses. La surface relative des ailerons fut augmentée. Toutes ces modifications visaient à fournir de bonnes qualités de vol, sans sacrifier les performances et sans pour autant rendre l'appareil impossible à faire amerrir, en cas de détresse.

C'est sur une authentique maquette volante en grandeur que furent, par contre, définis les équipements à emporter opérationnellement, ainsi que les aménagements du fuselage qui en découlaient : on avait modifié pour ces essais en vol le second prototype Br 960 qui, devenu alors le Br 965, permit de mettre au point aussi bien l'installation des trois hommes d'équipage et des complexes équipements électroniques, que les conditions d'emport et la répartition des charges largables exigées en lutte ASM.

Bénéficiant de ces essais, aussi bien que de tous les essais et études antérieures liés aux projets Br960, le lancement de la fabrication en série pouvait être rapide ; il ne demanda effectivement que 4 ans (commande en 1955, premier vol d'un avion de série en 1959). Il faut du reste noter que les cinq machines qui reçurent les numéros 01 à 05, et qui apparurent de 1956 à 1959, étaient en fait des avions de présérie, et non des prototypes (officiellement, du moins).

Lorsque le premier d'entre eux apparut, il présentait les différences suivantes par rapport au dessin initial :
- empennage de surface plus importante, pour tenir la stabilité en lacet imposée par le nouveau moteur. Le saumon ovale des premiers vols devint rapidement trapézoïdal à coins arrondis ;
- fuselage plus long et plus spacieux, avec une soute ventrale importante et ne présentant aucune saillie, aucun décrochement ;
- verrières de répartition différente : meilleure visibilité au poste de pilotage, moins de lumière au poste radariste, le plus en arrière.

L'installation du radar, sous l'arrière du fuselage (antenne rétractable) avait été envisagée très tôt sur des projets 960 ASM. Cette solution, longuement testée sur Br 965, avec des radômes de dessins divers, avait été retenue pour l'" Alizé " (ainsi que fut très rapidement officiellement nommé le nouvel avion). Par contre, l'idée d'installer un MAD avait été définitivement abandonnée, par suite de l'imperfection des équipements alors en service aussi bien que des servitudes qu'ils imposaient (démagnétisation, par exemple). Cet abandon simplifiait quelque peu le dessin de l'avion ! Seule subsistait l'incertitude concernant la meilleure disposition à adopter pour la tuyère d'éjection des gaz. Il faut rappeler que cette incertitude existait déjà à l'époque des nombreux dessins d'avions à GTP Mamba la solution à trouver ayant toujours exigé un compromis : entre l'obtention de la plus grande poussée résiduelle possible, la compatibilité avec l'existence de soutes ou d'équipements derrière elle (interférence ou salissures), la nécessité de ne pas " souffler " les hommes entourant l'avion au sol (surtout sur le pont exigu d'un porte-avions), etc... La position la plus basse (tuyère débouchant sous le fuselage, à proximité de l'axe longitudinal) avait été éliminée très tôt, à l'issue des études théoriques. Il avait été choisi le côté droit. Par contre, la position en hauteur de la tuyère (éjection au-dessus de l'aile) ne devait être adoptée qu'après expérimentation réelle du type. C'est ce qui explique la différence sur ce point de détail qui sépare les avions de présérie : - tuyère basse sur les Br 1050-01 02 et 05; - tuyère haute sur les appareils 03 et 04. Ce fut cette disposition qui devait être retenue sur les " Alizé " de série. Des aérofreins, hérités des " Vultur ", furent installés sur les 3 premiers appareils de présérie, rarement manœuvrés sur les n° 01 et 02, condamnés sur le 03. Sur les " Alizé " 04 et 05, puis sur la série, ils devaient définitivement disparaître.

LES " ALIZE " DE PRESERIE (Br 1050-01 à 05)

Le Br 1050-01 effectua son premier vol le 5 octobre 1956 aux mains du pilote Yves Brunaud, après quelques jours d'essais divers (roulements, accélérations, arrêts, " sauts de puce "). Les vols se déroulèrent régulièrement par la suite, sans grands ennuis, mis à part un chauffage excessif des pneus du diabolo droit par la tuyère basse. En début 1957 l'appareil effectuait ses essais au CEV et, en mai de la même année, les essais d'appontage et catapultage au sol avaient lieu en Grande-Bretagne, à Bedford. L'avion fut livré à l'Aéronavale pour expérimentation le 15 novembre 1957. Il était équipé d'un turbopropulseur Rolls-Royce " Dart " R.Da.20 de 1 600 ch, reconnaissable extérieurement à la position basse de son radiateur d'huile (prise d'air sous le capotage annulaire). Il était déjà équipé d'un radar américain (APS 33) avec escamotage électrique du radôme. Remis à la Base-Ecole de Rochefort, en 1960, ce premier " Alizé " y acheva sa carrière comme avion d'instruction des élèves-mécaniciens.

Le Br 1050-02, à peu près identique à son prédécesseur, avec le même GTP et le même radar, était initialement destiné aux essais d'équipements électroniques. Après avoir effectué son premier vol le 22 décembre 1957, il servit, en fait, aux essais de vieillissement accéléré (1 300 heures de vol en un an, y compris une visite majeure de vérification). En décembre 1958 cet avion effectua les premiers appontages et catapultages réels, sur le porte-avions " Arromanches ", afin de définir les périodicités de maintenance.

Le Br 1050-03, initialement livré avec un " Dart " 20, reçut ensuite un " Dart " 21 (R.Da.21 de 1950 en), reconnaissable à son radiateur d'huile haut (prise d'air au-dessus du capotage annulaire). Il fut le premier " Alizé " à recevoir une tuyère d'éjection " haute " et le premier à être complètement " navalisé ". L'hélice était désormais une Breguet-Rotol BR 4 (hélice Rotol produite par Breguetl. Le premier vol eut lieu le 19 avril 1957. En décembre 1958 il effectua, après quelques nouveaux essais à Bedford, une campagne de catapultages-appontages réels sur le porte-avions anglais HMS " Eagle ". Celui-ci présentait en effet des caractéristiques plus modernes que celles du porte-avions " Arromanches ", vieilli et de petit tonnage. Il continua ensuite sur ce dernier ses essais à la mer. Cet avion était toujours équipé du radar U.S. APS33.

Le Br 1050-04 reçut d'emblée un "Dart" 21 à tuyère haute. Volant pour la première fois le 21 juin 1957, il servit à des essais de vibrations, puis d'armement. A l'occasion de ces derniers on essaya un moment une servo-commande de direction avec amortisseur de lacet, destinée à améliorer la stabilité longitudinale de l'appareil, soute ouverte et radôme sorti. Cette " servo " ne fut pas retenue. Cet avion participa également à la campagne sur le P.A. britannique " Eagle " avec le 03. Il était le premier Br 1050 capable de recevoir l'ensemble des armements et équipements de série, dont le radar CSF définitif (DRAA 2A) qui fut monté à partir de la fin de 1958. L'Aéronavale reçut cet appareil en février 1959.

Le Br 1050-05 aurait dû initialement être le n° 04, mais il y eut permutation entre les deux derniers " Alizé " de présérie et celui-ci vola le dernier, avec un Dart 21 mais avec encore une tuyère basse. Capable de recevoir tous les équipements de série, cet avion possédait le dispositif hydraulique définitif de rétraction du radôme (système à bras, dit " bulldozer").

Cet appareil, qui vola pour la première fois le 1er août 1957, servit à l'évaluation de l'ensemble du " système d'armes ".
Pris en compte par la Marine, en janvier 1959, il fut détruit quelques mois plus tard lors d'un appontage sur l'" Arromanches " : pris dans le sillage de l'îlot du porte-avions et déséquilibré, il tua un matelot de l'équipe de pont avant de tomber à l'eau (l'équipage de l'avion fut sauvé).

LES ALIZE " DE SERIE : COMMANDES ET LIVRAISONS

Une série de 100 machines avait été initialement commandée pour la Marine Nationale. Pour des raisons d'économie bugétaire, ce nombre fut ramené à 75, en 1958, mais, très rapidement, diverses aviations étrangères montrèrent de l'intérêt pour l'appareil, notamment celles de l'Indonésie et de l'Inde. La première offre d'achat fut rejetée par le gouvernement français, par suite des risques de conflit armé entre l'Indonésie et les Pays-Bas, nation amie. Des négociations menées avec la Marine Brésilienne, qui désirait un appareil embarqué ASM pour équiper son porte-avions " Minas Geraës ", n'aboutirent pas davantage. Il y avait eu cependant évaluation en vol au cours de l'année 1960, mais l'avion parut trop petit aux Brésiliens qui, finalement, achetèrent des Grumman " Tracker ". Par contre, les Indiens, également en train d'armer un porte-avions, matérialisèrent alors leur intérêt par la commande de 12 " Alizé ". Ce fut donc un total de 87 Breguet 1050 qui fut produit, en sus des 5 avions de présérie. Le premier devait voler le 31 mars 1959, le dernier le 19 juillet 1961. Ces appareils étaient assemblés à l'usine de Biarritz-Parme, à partir d'éléments en provenance des autres usines Breguet de Vélizy, Toulouse-Montaudran et Biarritz-Hardoy.

DESCRIPTION SOMMAIRE DU BR 1050 DE SERIE

La voilure, trapézoïdale à saumons rectilignes, sans flèche, de 15,60 m d'envergure, présentait un allongement de 6,8. Le profil Breguet L 20 était vrillé (calage évoluant de + 2°30' à l'emplanture à - 1° en bout d'aile). La structure comprenait deux longerons, qui assuraient la tenue en flexion, tandis "que les efforts en torsion étaient absorbés par le revêtement épais, formant caisson. Chaque longeron était constitué d'une âme épaisse en durai, joignant deux semelles en forme de T, réalisées en acier spécial traité. Ces semelles, affleurantes, étaient visibles extérieurement, à l'intrados comme à l'extrados. Le plan central, de 6,60 m d'envergure, se composait de deux demi-plans venant se fixer au fuselage, sur deux couples renforcés (le longeron avant correspondant au maître- couple, n° 12). Le caisson de chacun de ces demi-plans était occupé par deux réservoirs souples de carburant (quatre au total), toutes opérations, verrouillages compris, étant commandées depuis le poste de pilotage. Le bec du bord d'attaque, de construction très classique, abritait l'ensemble des circuits hydrauliques (train, freinage, trappes, repliable d'aile) et électriques (train, armement, etc...). Les ailerons à fente étaient compensés et équilibrés. Les volets, également à fente, occupaient de chaque côté 4,10 m d'envergure, à la fois au bord de fuite du plan centra] et des éléments repliables. Ils permettaient un braquage maximum de 55°. Les deux nacelles de voilure étaient des coques divisées en deux compartiments : celui de l'arrière, structurellement solidaire de l'aile, servait de logement au train principal, rétractable vers l'avant ; celui de l'avant, rapporté en avant du bord d'attaque, recevait une partie de l'équipement électronique fixe, ainsi que 7 bouées acoustiques, contenues dans des soutes à trappes hydrauliques. Le fuselage, de section elliptique, était réalisé en monocoque renforcé cependant par des cloisons et par un plancher. De nombreuses trappes étaient ménagées, tant pour la maintenance que pour l'armement. Sa longueur atteignait 13,86 m et le maître-couple 1,94 x 1,71 m. A l'avant, il supportait le GTP " Dart " 21 et le train avant, à simple roue et rétractable vers l'arrière. La partie centrale, à hauteur de voilure mais qui n'était traversée par aucun longeron, était divisée en hauteur par un plancher, au-dessus de la soute à armement, de 5 m de long et fermée par deux ensembles de 3 trappes hydrauliques.

La cabine de l'équipage, au-dessus de la soute, était conditionnée, mais non pressurisée. L'aménagement était prévu pour 3 hommes : un pilote à l'avant et à gauche, un navigateur à sa droite, un opérateur-radariste à l'arrière, en sens " contraire de la marche ". Contrairement aux deux autres membres d'équipage, ce dernier n'était éclairé que par 2 fenêtres latérales petites et occultables (pour faciliter le travail sur scope-radar). Il y avait possibilité de permutation de postes en vol. Un quatrième siège pouvait être éventuellement ajouté à l'arrière, pour un moniteur-radariste ou navigateur. La cabine était fermée à l'arrière par une cloison fixée au cadre 16 [rattaché au longeron arrière) qui supportait la plupart des. équipements électroniques contenus dans le fuselage. Plus en arrière, dans celui-ci, se trouvait l'antenne-radar, sous radôme escamotable hydrauliquement (longueur et largeur: 1,30 m). En avant et à hauteur de l'empennage, deux autres cadres renforcés par des âmes tôlées supportaient la crosse d'appontage en V à amortissement hydraulique et son vérin de rétraction (cadres 27 et 29). Une ferrure en arrière du puits de radôme permettait de fixer l'élingue de catapultage. L'empennage, de dessin trapézoïdal à saumons droits, tant pour les surfaces horizontales que verticales, comprenait une dérive de 2,50 m de haut et un stabilisateur de 5,80 d'envergure, dont le profil Breguet L 14, symétrique, était calé à 0°. Le stabilisateur présentait un dièdre de + 2°15'. Les gouvernes étaient compensées et équilibrées. Il convient de signaler que ces gouvernes, tout comme les ailerons, étaient munies de tabs doubles : commandés et automatiques. Il a déjà été dit que des essais de servo-commande (de direction), effectués sur le Br 1050-04, n'avaient pas été suivis de l'adoption de telles aides au pilotage. Le turbopropulseur était un Rolls-Royce " Dart " R.Da.21 de 1 950 ch sur l'arbre au décollage, à 1 500 tr/mn, avec une poussée résiduelle de 185 kgp. La tuyère d'éjection des gaz, située dans le plan horizontal de traction de l'hélice, débouchait du fuselage, à droite, au-dessus de la voilure. Le couple provoqué par l'excentrement de poussé apparut négligeable. L'hélice à contrôle hydraulique de pas, était une Breguet-Rotol Br 4-1000 quadripale, de 3,35 m de diamètre. Le bâti-moteur était constitué de trois V en tube d'acier, prenant appui en quatre points sur le cadre renforcé n" 5. Ce GTP possédait un système d'injection d'eau-méthanol, permettant de rétablir la puissance maxi de décollage en atmosphère chaude (injection possible au-delà de 14700 tr/mn). Les dispositifs de régulation comprenaient un système de " régulation militaire " (n'existant pas sur les " Dart " civils) maintenant constante la vitesse de rotation de l'ensemble turbine-compresseur choisie par le pilote, même au cours d'évolutions entraînant des variantes de performances. Une " régulation d'appontage " permettait en outre de conserver 15000 tr/mn quelle que soit la position de la commande de puissance, ce qui autorisait des remises de gaz plus franches. L'alimentation en carburant (TR-0, TR-4 ou TR-5) était permise par 4 réservoirs d'aile et 4 de fuselage (dont les " nourrices "). Un réservoir supplémentaire pouvait être monté en soute (500 litres, s'ajoutant aux 2100 litres des réservoirs "normaux"). Consommation : 350 à 700 litres/heure. Le train d'atterrissage, réalisé par Hispano-Suiza, présentait la particularité d'utiliser 5 roues identiques (650 x 10), celles-ci étant doublées pour le train principal. La fermeture 'des trappes était conjuguée mécaniquement à la rentrée du train. Les diabolos se rétractaient hydrauliquement vers l'avant. La voie était de 4,9 m et l'empattement de 4,4 m. Ce train était capable d'encaisser des vitesses verticales de 4 mètres/seconde. Le circuit hydraulique était double : un circuit " normal " et un circuit " secours ". Le second permettait d'assurer les manœuvres de train, volets, de portes de soute et de radôme. Le freinage en secours (de " parking ") dépendait d'un circuit particulier. Le circuit électrique était particulièrement développé, compte tenu de l'importance opérationnelle des équipements électroniques de cet avion. Il était alimenté par une génératrice et un alternateur entraînés par le moteur, cependant que l'alimentation en alternatif était également assurée par deux convertisseurs. L'installation radio comprenait au moins des équipements UHF, VHF (TRAP) et HF (TRAM), outre un téléphone de bord (TFAP). Un pilote automatique (SFENA), adapté à la mission ASM (tenue d'altitude particulièrement précise, notamment), était contrôlable par le navigateur ou le radariste aussi bien que par le pilote. Les équipements de navigation comprenaient une centrale de cap (Bézu) et un ensemble de navigation estimée (Crouzet) assurant non seulement le calcul de position, mais encore l'enregistrement, l'évaluation et l'affichage des données tactiques, en cours d'opérations ASM. L'équipage disposait également de divers équipements de radio-location : radar-compas, TACAN, " homing " sur balise-radar. Les équipements de détection comprenaient le radar de détection et de navigation (DRAA2A) et les habituels équipements montés sur tous les avions AS contemporains : récepteur de bouées acoustiques, interrogateur - répondeur (IFF), détecteur de radars (ARAR) couvrant toutes les directions autour de l'appareil (antennes passives dans la pointe arrière, à l'avant des nacelles d'ailes, etc...). Le Br1050 pouvait emporter 14 bouées dans ses soutes de voilure et une vingtaine de marqueurs, lancés depuis le poste d'équipage, par la soute à armement. Comme cela se produit assez souvent de nos jours, les appareils, lors de leur mise en service, n'étaient pas équipés d'une électronique totalement opérationnelle. Pendant plus d'un an une chaîne parallèle fonctionna chez le constructeur, pour le montage, sur des avions renvoyés par l'Aéronavale, d'équipements mis au point entre temps.

Certains avions furent modernisés quelques années plus tard, par des ateliers de la Marine (Cuers-Pierrefeu). Ils reçurent alors les équipements permettant d'utiliser des méthodes de détection plus perfectionnées (" Jézebel ", "Julie", etc...). L'armement pouvait comprendre des grenades ASM (3 en soute et 2 à des points d'attache sous la voilure interne), une torpille électroaccoustique (autoguidée), des bombes lourdes à la place des grenades, des bombes légères ou des roquettes (jusqu'à 127 mm) aux 6 points d'attache de la partie externe, repliable, de l'aile : deux engins AS 12 filoguidés pouvaient également être accrochés à ces mêmes points. Pour le tir-roquettes ou le bombardement en semi-piqué, le pilote disposait d'un collimateur fixe, tandis que le contrôle des missiles air-sol devait être éventuellement assuré par le navigateur. En mission de remorquage de cibles, un dévideur largable pouvait être installé sous l'attache du plan central gauche, la cible étant logée dans la soute, durant la phase " roulage-décollage " du vol.

L' " ALIZE " EN SERVICE

Les 75 " Alizé " livrés à l'Aéronavale de 1959 à 1961 furent, dans la série de 87 appareils produits, les numéros suivants : n" 1 à 61, 64, 65, 68 à 70, 72 à 77, 80, 86 et 87. Ils entrèrent en service dans 3 unités opérationnelles précédemment équipées d'avions américains " Avenger " : Les flotilles 4F, 6F et 9F, dont les équipages furent " transformés " à Hyères. Puis les unités furent basées à Lann-Bihoué (4F, 9F) et Nîmes-Garons (6F). Elles ne furent jamais, en effet, embarquées en permanence et chacune opéra indifféremment des 3 porte-avions français, durant des périodes plus ou moins longues : de l'" Arromanches ", surtout utilisé pour l'entraînement au catapultage ou à l'appontage, du " Foch " ou du " Clemenceau ".

Outre leur mission ASM, primordiale, il leur arriva de jouer d'autres rôles. C'est ainsi que la 9F, par exemple, participa à deux reprises à la surveillance des zones de tirs nucléaires, dans le Pacifique. Les trois unités entraînaient régulièrement des réservistes, lors de leurs séjours à terre.

Il faut noter, en effet, que l'effectif surabondant des " Alizé " (75 livrés, pour 3 flottilles armant, en principe, chacune 12 appareils) aurait permis de très rapidement doubler le nombre des unités, en cas de mobilisation, ce qui supposait de disposer en permanence des équipages de réserve nécessaires. Diverses escadrilles de servitude (2S à Lann-Bihoué, 3S à Hyères. 10S à la CEPA de Saint-Raphaël) furent également équipées d' " Alizé ", utilisés par elles pour la transformation et l'entraînement initial du personnel, la liaison, le remorquage de cibles et la mise au point d'équipements.

Vers la mi-1972 la flottille 9F fut dissoute, ce qui réduisit à deux le nombre des unités de première ligne équipées de Breguet 1050.

Au moment de la rédaction de cet ouvrage (1977) l'appareil est toujours en service, et il est prévu de le maintenir opérationnel jusqu'aux années 1980, puis de le remplacer par des hélicoptères. Le SA 321, par exemple, assure en partie la relève.

Auprès de ses utilisateurs, l' " Alizé " a acquis une bonne réputation de robustesse et de facilité de pilotage. L'appareil, très stable, ne présente aucune difficulté particulière, même pour des pilotes volant irrégulièrement sur ce type d'avion : de nombreux réservistes ont été " lâchés " dès leur second vol, et considérés, au bout de moins de 15 jours, comme " opérationnels " à partir de bases terrestres (sans l'entraînement particulier aux vols sur porte-avions). Au cours d'une expérience de réactivation globale d'une unité de réserve et de sa base (normalement inactive) la flotille 9F put même démontrer que moins d'une semaine était nécessaire pour mettre en ligne une nouvelle flottille (à Cherbourg-Maupertuis, en 1970), ce qui démontre la facilité de mise en œuvre de 1' " Alizé ". L'avion se révéla parfaitement adapté à sa mission, dans les limites correspondant à la technologie de l'époque où il avait été conçu, ainsi que ses équipements ASM. La cellule supporta allègrement les facteurs de charges imposés par les manœuvres serrées à basse altitude, aussi bien que les accélérations et décélérations au cours de catapultages et appontages en série ! Il apparut cependant peu recommandable d'essayer de " sortir du " domaine ". A trop basse vitesse, notamment, une inefficacité croissante des ailerons se combinant au couple du Dart, pouvait rendre délicat un " dégagement " accompagné de remise de gaz. Un incident de ce genre avait causé, nous l'avons déjà signalé, la destruction du 05. Il fallut en tenir compte pour les consignes d'appontage !

LES BREGUET 1050 INDIENS

Les 12 " Alizé " commandés par la Marine Indienne furent prélevés parmi les appareils compris entre le n° 62 et le n° 85. Le premier (n° 62), qui avait effectué son premier vol le 21-10-60, fut remis officiellement en janvier 1961. Les autres suivirent pendant 3 ou 4 mois. Les équipages hindous avaient été entraînés sur la Base Aéronavale de Hyères, puis sur le '' porte-avions " Arromanches ", navire de la même classe que leur future plate-forme : le " Vikrant " était en effet un porte-avion léger de la classe Glory ", l'"Hercules " lancé en 1945 mais demeuré inachevé jusqu'à son achat par la République Indienne. Complété alors et muni d'un pont oblique, il fut prêt à recevoir les " Alizé " et " Sea Hawk " de sa dotation durant l'été de 1961. L'embarquement se fit à Malte et le " Vikrant " rejoignit les Indes avec ses deux squadrons (n°-300 et 310) de chasse et ASM. Deux appareils supplémentaires furent livrés à I'Indian Navy " durant 1968, pour remplacer des avions détruits par accident. Il s'agissait des Alizé n" 14 et 18, retirés à cette fin du dépôt de stockage où les conservait la Marine Française. Les Br 1050 du squadron 310 étaient en service durant les deux courtes guerres indo-pakistanaises de 1965 et 1971. Ils furent particulièrement actifs durant la seconde, le " Vikrant " opérant alors au large des côtes du Bangla-Desh : les " Alizé " participèrent à des missions d'attaque d'objectifs terrestres, nocturnes notamment. Mais ils eurent également l'occasion de revendiquer la destruction d'un sous-marin du type " Daphné ", donc lui aussi d'origine française : obligé de faire surface par grenadage, le submersible aurait été achevé à la roquette (5 décembre 1971). Un " Alizé " fut, par contre, surpris et abattu par un F-104 pakistanais sur la côte occidentale des Indes, au Sud-Est de Karachi et sa perte fut d'ailleurs reconnue par le Commandement de Delhi.

IMMATRICULATIONS

Les Br 1050 français furent rendus identifiables par leurs numéros de fabrication, peints de façon très visible sur les fuselages et voilures. A noter, que pour distinguer les appareils ayant subi une modernisation de leurs équipements opérationnels, ces numéros furent avancés de 100 : l' "Alizé" n° 37, par exemple, devenant ainsi le 137. Lorsque tous les avions eurent été modernisés, on abandonna le système, qui n'avait plus de raison d'être, pour en revenir à la numérotation initiale. Les appareils vendus à la Marine Indienne reçurent des " sérials " de style anglais, allant de IN 201 à 212; ils s'intercalaient, sur la chaîne de fabrication, entre des Br 1050 destinés à l'Aéronavale. La correspondance de ces immatriculations et des numéros de production était la suivante :

N° 62 : IN 201; n° 63 : IN 202; n° 66 : IN 203; n° 67 : IN 204; n° 71 : IN 205°; n° 78 : IN 206; n° 79 : IN 207; n° 81 : IN 208; n° 82 : IN 209; n° 83 : 1N 210; n° 84 : IN 211; n° 85 : IN 212.

Nous n'avons pu connaître les sérials attribués aux deux avions vendus à la Marine Indienne durant 1968.

Voir aussi "Les ALIZE dans l'Indian Navy"