Ma première affectation à la sortie de l'école des officiers détecteurs (à l'époque à Porquerolles) fut la Flottille 9 F, basée à Hyères. Dans l'aéro, le détecteur est responsable de l'ensemble de l'avionique et cela comprenait les émetteurs-récepteurs V.H.F antiques à quartz.

J'étais donc responsable des quartz, ce qui est clair au plan technique, ce composant ayant une existence palpable, mais cela entraînant aussi la responsabilité des plans de fréquences, ce qui est moins évident au plan opérationnel, car l'utilisateur c'est l'équipage en vol.

L'Alizé était d'autre part équipé d'un E/R UHF moderne à synthétiseur, ce qui donnait toute latitude au pilote pour rattraper les erreurs éventuelles du personnel électronicien sur les fréquences préréglées.

Au contraire, en ce qui concerne l'E/R VHF, les fréquences étaient rigidement déterminées par les quartz implantés avant le vol et le pilote était entièrement prisonnier de cette «cristallisation». Comme chacun, le sait, l'Alizé est un avion embarqué et nous avions donc 3 plans de fréquences différentes pour chacun des 3 porte-avions, car, à cette époque 1'Arromanches était encore en service. En fonction des opérations la flottille était entièrement ou partiellement basée à terre ou sur un des 2 porte-avions récents (nous sommes en 1964) et tout se passait bien sans mon intervention. Je n'avais donc pas encore pris conscience du problème lorsqu'on nous demanda un détachement à bord de l'Arromanches. Le pilote, responsable de la technique me demande de bien vérifier la mise en place de la cristallisation adhoc, ce que je fis faire pour les fréquences préprogrammées UHF, mais j'oubliais de traiter le problème VHF, et personne d'autre ne s'en soucia.

Le dispositif, de 6 ou 8 appareils, décolla donc avec une cristallisation VHF inadéquate et, de surcroit, non connue des équipages.

D'après ce que m'en dit l'un des pilotes, les choses se passèrent bien au début tant que le trafic radio se fit en UHF avec le C.O. de l'Arromanches , mais le drame survint quand il fallut commuter sur la fréquence TOUR, que le porte-avions voulait absolument exploiter en VHF. J'imagine les pilotes ayant entre eux une excellente liaison, puisqu'ils étaient sur la même fréquence, mais ne recevant pas le porte-avions, doutant de celui-ci, puis la recherche d'une fréquence commune, sans la donner en clair, tâche rendue d'autant plus délicate que les pilotes n'avaient pas en vol le code approprié (D 312).

Le dispositif orbita, me dit-on, pendant plus de 20 minutes à la verticale du porte-avions, avant de trouver une solution, et bien sûr, le commandant de la flottille, se fit méchamment «souffler dans les bronches».

Au retour du porte-avions, il ne me convoqua point, et il ne m'en parla pas non plus au moment de la notation annuelle. Avec le recul, je me dis que cet événement pesa très lourdement dans l'appréciation de mon travail et de mes aptitudes.

Encore heureux qu'on n'ait pas retenu sur ma solde le prix du kérosène indûment brûlé par un dispositif de 6 Alizé orbitant pendant plus de vingt minutes à la verticale d'un porte-avions !

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