III
Le GAN Arromanches à terre

Le 16 janvier 1953 l'Arromanches est de nouveau en baie d'Along. Le 20 dans l'après-midi, six SB2C accompagnés de dix F6F sont engagés sur le plateau d'An Khe en centre Annam, un soutien qui se prolonge pendant huit jours sous le guidage de Criquet ou de Siebel. Un détachement du groupe aérien composé de 6 Helldiver et 12 Hellcat s'installe sur le terrain de Nha Trang le 26 pendant que le porte-avions effectue un aller et retour rapide pour se ravitailler au Cap Saint-Jacques. Le 29, plusieurs sections de SB2C se succèdent sur des objectifs à Qui Nhen. Alors que les Hellcat de la 12.F rallient le bord, les appareils de la 9.F opèrent à terre pendant encore une semaine dans le cadre de l'opération TOULOUSE. Ayant rembarqué sa flottille de Helldiver, l'Arromanches redescend le 8 février vers le Cap Saint-Jacques, d'ou il repart le 14 vers la baie d'Along. Au passage par le travers de Vinh, une mission de quatre SB2C et quatre F6F attaque un pont routier sur la RCl.

Le porte-avions devant rentrer en France pour un grand carénage, les flottilles 9.F et 12.F sont mises à terre sur la base aérienne de Cat Bi à partir du 17 février 1953. Le matériel nécessaire et le personnel d'accompagnement (échelon technique et services administratifs) sont débarqués du navire. La mise en place est terminée le 21. Les conditions d'existence ne sont pas idéales et les problèmes d'hébergement et de transport sur le terrain sont nombreux. Les flottilles constituent aussitôt le groupe d'Aéronautique navale Arromanches, la 9.F étant équipée de sept SB2C (au lieu des neuf prévus au plan d'armement réglementaire), plus deux en volant de fonctionnement.

Météo médiocre A partir du 25 février le GAN est engagé sur la RC 3. mais une fois encore la météo se montre peu favorable. Les premières missions de la journée sont en général des reconnaissances années à deux avions dont le rôle essentiel est de fournir des renseignements météo précis, les strikes de bombardement ne décollant qu'à partir de midi. Les fins de journée, en général bien meilleures, sont réservées aux actions massives et aux bombardements avec fusées à long retard (de 12 à 24 heures), les patrouilles rentrant à la nuit tombée. Parfois, pendant plusieurs jours de suite, les activités aériennes sont interrompues par le mauvais temps, comme c'est le cas durant le mois de mars. Le beau temps revient en avril au moment où les divisions ennemies décrochent après l'échec de l'attaque sur Na San.

L'ennemi glisse plus au sud et prépare une offensive de printemps sur le Laos. Les SB2C sont alors amenés à bombarder des objectifs routiers situés à 1500 mètres d'altitude près de la frontière laotienne, opérations aériennes qui vont être bientôt bloquées par le mauvais temps. La météo n'est guère meilleure dans la région d'Haïphong. Les pilotes profitent de cette absence de missions pour s'entraîner aux ASSP avec 200 pieds de plafond. Le nombre d'avions à la disposition de la 9.F fixé initialement à 9 Helldiver est porté à 11. Avec 10 avions, cet objectif n'est pas tout à fait atteint, le BuAer 89412 qui ne dispose plus que de 13 heures de vol avant visite de 240 heures n'étant pas destiné à être embarqué.

A bord du "La Fayette"

Arrivé le 7 avril 1953 au Cap Saint-Jacques, le porte-avions La Fayette appareille le soir même pour le nord du Viêt-nam, après un ravitaillement rapide en combustible, vivres, munitions et documentation cartographique nécessaire aux opérations. Seul porte-avions disponible à l'époque, son absence de métropole pose des problèmes pour l'entraînement des équipages de l'aviation embarquée et des officiers d'appontage.

Lors du mouillage en baie d'Along. la journée du 9 est consacrée a l'embarquement du matériel et personnels des flottilles 9.F et 12.F basées à Cat Bi depuis le départ de l'Arromanches à la mi février. Les premiers ramassages sur le La Fayette débutent le 10 avec deux appareils de la 12.F mais les mauvaises conditions météo font reculer jusqu'au 12 l'appontage des 13 autres Hellcat et des 7 Helldiver. Le groupe aérien est de nouveau à bord d'un porte-avions. L'entraînement des pilotes reprend sur un bâtiment plus rapide que YArromanches (32 nîuds contre 23) mais au pont plus court (169 mètres contre 210) avec des séances de rafraîchissement dont le personnel aviation du bord tire également profit.

Le 16 avril, les premiers appareils de la flottille décollent pour apporter leur soutien à une colonne franco-laotienne qui se replie. La météo est très mauvaise, avec des stratus de 300 à 4000 pieds, doublée d'une brume sèche qui ôte tout relief au paysage. Cependant, les SB2C de la 9.F passent au travers de ces difficultés et harcèlent les éléments viêts jusqu'au crépuscule. A l'issue de près de quatre heures de vol, le retour à bord est délicat, la dernière patrouille appontant avec 100 pieds de plafond et un nautique de visibilité. Le 17, les équipages de la 9.F interviennent sur la piste qui mène de Sain Neua à la plaine des Jarres et le long de la RC 7. Au cours des journées des 18 et 19, plusieurs tentatives sont faites pour franchir l'obstacle des nuages; les avions rentrent à bord en perçant aux instruments. Le 20 le temps s'améliore autorisant la réalisation des missions. Mais le 22 avril au soir, deux SB2C doivent se dérouter sur Cat Bi, le plafond étant brusquement tombé à zéro sur le La Fayette. Le potentiel d'heures de vol disponibles commence à baisser sérieusement et déjà plusieurs Helldiver arrivés à échéance des 240 heures de fonctionnement, sont immobilisés en attente de visites qui ne peuvent s'effectuer qu'en métropole. Début mai les missions s'espacent alors que le Viêt-minh amorce un repli vers le nord-est. Le commandement déclenche alors l'opération MUGUET qui sera la dernière pour le groupe aérien. Le 10, guidés par les Criquet, les Helldiver effectuent un bombardement massif sur les cantonnements ennemis à Xieng Khouang, suivi de mitraillages. Le 11, de l'aube au crépuscule, SB2C et F6F se succèdent pour appuyer la progression des troupes : deux compagnies ennemies sont anéanties. Cette journée marque la fin de la campagne indochinoise des deux flottilles.

Le porte-avions rejoint la baie d'Along pour ramasser les derniers avions du volant de fonctionnement restés à Cat Bi depuis la mi-décembre. Le rendement du La Fayette s'est révélé remarquable du fait de l'adaptation immédiate du porte-avions et de ses personnels aux conditions particulières de son emploi en Indochine. Fin mai 1953, le La Fayette appareille pour Toulon rapatriant la 9.F et la Ï2.F qui viennent de passer près de huit mois en Indochine. La 9.F a accompli 824 missions de guerre en 2000 heures de vol. Ses SB2C ont tiré plus de 100000 cartouches et largué 1442 tonnes de bombes. Deux citations à l'ordre de l'armée ornent le fanion de la croix de guerre des TOE et de la fourragère bleue et rouge.

Les TBM arrivent

Le 10 juin, la flottille retrouve la BAN d'Hyères. Les formalités .habituelles rapidement expédiées, ses personnels partent en permission. Le 1er juillet, la flottille ne dépend plus du porte-avions Arromanches : elle est affectée à la BPAN Hyères. A leur retour en août l'équipage de la 9.F se prépare à être transformée sur TBM Avenger. Déclarée indisponible pendant la période où ses pilotes effectuent leur transformation sur TBM à la 54S, la flottille 9.F fonctionne provisoirement avec deux SB2C et deux TBM.