La défense de notre camp de Na San avait été un succès ; les Viets s'y étaient cassés les dents. La 9 F comme la 12 y avaient joué une bonne part.

Embarqués sur le La Fayette, il nous revenait une mission d'importance. Les Viets se manifestaient plus au sud, aux marges du Laos contre notre camp de la plaine des Jarres dans la région de Xien Kouang très éloignée de nos terrains d'aviation du Tonkin. Seul notre porte avions pouvait intervenir utilement, au début de mai 1953. Nous allions travailler aux ordres du camp retranché au cours de vols de plus de 4 heures, en limite d'autonomie.

Au cours de notre dernier vol, le 11 mai, je rentrais vers le bord en sectionnaire de mon commandant le valeureux L.V. Hervio . Nous étions à 15 000 pieds, dans une nébulosité blanchâtre et réverbérente à l'approche de cumulonimbus ; je me plaçais donc en formation serrée. Nous étions guidés par la voix des détecteurs du bord qui nous fît commencer à descendre après nous avoir laissé entendre que le La Fayette était piégé dans le brouillard. J'avais alors le sentiment que nous survolions la mer lorsque m'apparut, sous mon chef de patrouille, une masse sombre de montagne. Emotion, turbulence, ? : je perdis la vue de mon leader et je me remis en montée à un cap exactement inverse espérant que, si la voie avait été libre à la descente, elle le serait également à la remontée. Ce souvenir me reste très précis.

En orbite à 15 000 pieds, je me fis cueillir par notre détecteur, décidé cette fois ci à le suivre aveuglément soit en ne surveillant que mes instruments de bord, refusant de regarder l'hostile paysage extérieur pour n'en voir qu'une chose, le moment venu : le cul du bateau. Saine abstraction, j'en recommande la méthode.

Deux cadrans m'inquiétaient cependant ; l'un de l'altimètre, l'autre du niveau de pétrole ; leurs indications m'annonçaient si peu de marge. Tout en guidant ma descente mon contrôleur m'informa de la configuration anormale du pont : un avion précédent, posé long, avait engagé la barrière ; on n'avait eu que le temps de tout pousser en abord pour me recevoir littéralement sans filet, sans barrière ; c'était une première.

De cette approche guidée jusqu'à la vue du pont et de l'officier d'appontage ; puis du « cut »moteur, de l'arrondi avion et de son accrochage parmi les équipes de « chiens jaunes » me prenant en charge, j'ai l'agréable souvenir d'un bon travail de professionnels.

C'est toute la grandeur du métier.