Extrait de "Essais en vol"
par le V.A. Michel Mosneron Dupin (Edition ARDHAN)

Rentré d'Indochine, je fus affecté à une formation de ces TBM Avenger dont j'avais fait la connaissance à Quonset-Point. Notre mission, vaste et complexe, était l'ASM, l'action anti-sous-marine.

Les sous-marins sont aveugles, ils perçoivent par leurs oreilles. Leur monde est animé de bruits aquatiques. Ils entendent les navires mais pas les avions. Ceux-ci en tirent sur eux l'avantage de la discrétion, avantage certain mais pas gratuit car pour détecter sous l'eau, il leur faut y plonger des oreilles, des oreilles ingénieuses qui transmettent en l'air, par radio, les sons divers recueillis dans la mer.

Mais cela grouille dans l'océan où les sous-marins sont silencieux, masqués par un environnement agité. Ces oreilles sont des bouées acoustiques, qui doivent donc être actives et poser des questions : "toc-toc, sous-marin es-tu là ?". La réponse, transmise à l'avion, est un écho renvoyé par une coque... ou par la dure peau d'un cachalot. On le voit, les opérations aériennes contre les submersibles ne sont pas simples.

Le plus facile est donc de chasser les sous-marins en surface. Cela était possible du temps du diesel lorsqu'ils pouvaient utiliser un schnorchel, tube émergeant d'un sous-marin immergé juste sous la surface des flots. Ce schnorchel donnait de l'air aux équipages et aux moteurs dont l'utilisation économisait les batteries électriques assurant la propulsion en plongée. Mais cet appendice traînait sur l'eau un indiscret sillage. Il n'était donc sorti que furtivement pour respirer au rythme des baleines. L'avion le cherchait au radar mais les sous-mariniers équipèrent leurs snorts et autres périscopes d'antennes détectant les émissions radar des avions. Ainsi le jeu se compliqua-t-il entre un sous-marin respirant, à la sauvette, par-ci par-là, et un avion jouant du radar par petits coups subtils à des cadences laborieusement calculées pour surprendre. A défaut de les intercepter, on épuisait les sous-marins par des apnées prolongées pour les saisir dans de savants réseaux de bouées acoustiques.

Le TBM crachant du radar est inévitablement repéré par le sous-marin qu'il cherche. On inventa donc une parade. Ce fut la mise en œuvre simultanée de deux types d'avions, l'un émettant du radar à saturation tout en guidant l'autre, discrètement, vers l'objectif. Un TBM, dit 3-W, se trouvait pour cela agrémenté sous son ventre d'une énorme verrue contenant une antenne de radar. L'autre TBM, le 3S, disposait de moyens d'approche et d'éclairage et pouvait larguer des bouées acoustiques ainsi que des armes, grenades et roquettes.

L'"aésème" était d'un grand intérêt militaire pour la chasse aux sous-marins mais, en dehors d'un intermède touristique norvégien, je n'y trouvais pas tout à fait le grand bonheur de "m'envoyer en l'air". Ce fut alors que le Centre d'essais en vol chercha la candidature d'un marin.