Au début des années soixante, la série télévisée "Les chevaliers du ciel", qui a pour héros des pilotes de Mirages, est très populaire. Elle contribue pour une part non négligeable au recrutement de l'Armée de l'Air. En 1964, le Service d'Information et de Relations Publiques de la Marine entreprend de faire réaliser un film pour faire connaître l'Aéronautique Navale. Le "Clémenceau" en sera la vedette. Comme la Flottille 9F y est embarquée au moment des prises de vue, ses Alizés et ses équipages figureront dans plusieurs séquences.

Au départ, il avait été prévu que les prises de vue seraient faites pendant que le porte-avions continuerait ses activités d'entraînement habituelles. C'était évidemment impossible et il ne fallut pas deux jours pour que le commandant, sommé de trancher entre le réalisateur et le chef Ops, envoie un message à Paris pour demander qui avait la priorité. L'état-major confirma que le bateau devait être à la disposition des cinéastes. De l'avis général, ce fut une expérience enrichissante pour tous.

Séquences video

Lors de sa sortie en salles, ce film ne fut pas un succès : il fut retiré de l'affiche à la fin de la première semaine d'exploitation.

La première cause de cet échec est évidemment le contrôle trop étroit exercé sur la réalisation par l'Etat-Major de la Marine. Voulant montrer une image idéalisée des pilotes, les acteurs principaux sont tous de beaux athlètes bâtis sur le même modèle. La plupart étaient jeunes et encore quasiment inconnus du public (certains feront ensuite de belles carrières, comme Marcel Bozzufi ou Bernard Fresson). Comme ils sont en uniforme, le public qui ne sait pas reconnaître les insignes de grade les confond et ne sait plus qui fait quoi. Ils ne font d'ailleurs pas grand'chose, à part s'engueuler pour des raisons obscures. Les seuls personnages qui crèvent l'écran sont des rôles secondaires : Jacques Monod, qui joue d'une façon exceptionnelle le commandant du porte-avions, et des marins figurant dans leurs propres rôles : officier d'appontage, chef Avia, hommes du pont d'envol ou équipages d'Alizé.

La seconde faiblesse est le parti pris de montrer les opérations sur le pont d'envol sans aucune explication. Le spectateur non initié voit donc des bonshommes s'agiter sans comprendre pourquoi. Par exemple, quelqu'un qui ne connaît pas l'histoire des techniques d'appontage ne peut discerner qu' une gesticulation incompréhensible dans la séquence de l'appontage aux raquettes, qui devrait pourtant être dramatique.

Un dernier handicap est le choix d'un "ennemi" extra-terrestre. Pour des raisons de diplomatie officielle, il fallait éviter de froisser une autre nation (c'était l'époque de la "Détente" en Europe). L'intérêt du spectacle en souffrit. En France dans les années 60, la science-fiction était un genre très mineur qui ne passionnait pas grand'monde.

Par contre, ce film a rencontré un public que lorsqu'il a été exploité dans des pays moins cartésiens (Espagne, Italie, Japon, Urss…) où il a eu un succès certain.

Ce n'est que trente ans plus tard que le grand-public français a été converti aux aliens par "Star Wars" et autres "E.T.". "Le Ciel sur la Tête" a pu enfin être diffusé plusieurs fois à la télévision française, avec de bonnes critiques et un succès d'audience appréciable.

Extrait de "Sur les traces du Tigre" par le VA Roger Vercken