Je rejoignis la flottille 9F, alors affectée à la base aéronavale (BAN) d'Hyères, le 3 juillet 1967. J'arrivais de la BAN Nîmes-Garons, où je sévissais à la flottille 6F en temps que pilote et chef du service technique (CST). J'étais fort heureux de cette mutation car la 9F devait participer à la campagne d'essais nucléaires de 1968 dans le Pacifique à bord du porte-avions Clémenceau. Il était plutôt rare, en effet, que nos porte-avions sortent de la Méditerranée ou de l'Atlantique-nord.

En temps qu'officier en troisième, je devais prendre les fonctions de chef du service opérations (CSO) de la flottille. Mon camarade Russeil, CSO depuis deux ans, donc durant la campagne d'essais nucléaires de 1966, devait succéder au LV Kérinec comme CST. Or il se trouva que, peu avant mon embarquement, le capitaine de vaisseau (CV) Sanguinetti avait laissé le commandement de la base au CV Palmesani pour prendre celui du Clémenceau. Il s'était donc intéressé de prés à la 9F. En particulier il pensa que Russeil et moi-même serions plus rentables en exploitant nos expériences. Il suggéra donc au commandant de la 9F de reconduire Russeil dans les fonctions de CSO et de me confier le service technique de la flottille. En ce temps là, on ne résistait pas à une suggestion du CV Sanguinetti. C'est ainsi que je me retrouvais à nouveau CST d'une flottille d'Alizé.

Je ne connaissais pas le commandant de la 9F, le LV Charvériat, de la promotion 1951 de l'Ecole Navale. Il sera remplacé peu après mon embarquement par le LV Schmit, puis quittera le service actif assez vite. Le LV Schmit était précédemment mon officier en second à la 6F. Je fus heureux de son arrivée car nous nous étions bien entendus à Nîmes. Cet officier préparait le concours de contrôleur des armées. Durant tout son commandement, je le vis travailler avec un acharnement qui forçait l'admiration. Le principal résultat en fut sa réussite au concours dans le début des années 1970. Mais une autre conséquence fut plus immédiate. Le LV Schmit fit totalement confiance à ses chefs de service et nous laissa une grande liberté de manœuvre durant tout son commandement. Et cela marcha très bien.

Je ne connaissais pas non plus le commandant en second, le LV Mienville, officier de réserve servant en situation d'activité (ORSA) entré dans la Marine en 1955. Son dévouement au service et sa très grande expérience aéronautique contrebalançaient heureusement la raideur de son caractère. Je devais le retrouver plus tard à la flottille 4F, où je fus son officier en second avant de le remplacer comme commandant.

Le CST adjoint était le LV Linguinou, ingénieur mécanicien de la promotion 1958, qui devait décéder en 2003. Il fut remplacé à l'automne par l'officier des équipages de 1° classe (OE1) Lachèze. Cet officier alliait à une grande compétence technique une remarquable aisance dans la conduite des hommes. Il fut un adjoint très efficace et devint vite un ami. Le premier problème que nous eûmes à résoudre fut le choix du patron de flottille. Tout ancien de l'aéronautique navale connaît l'importance de cette fonction et l'influence que peut avoir son titulaire sur le rendement d'un service technique. L'officier marinier le plus ancien, à qui devait revenir normalement le poste, était un premier maître mécanicien de bord. C'était un brave homme mais il avait un peu atteint son niveau d'incompétence dans le domaine de la conduite des hommes. Mon choix se porta donc sur le premier maître mécanicien d'aéronautique Disarbois. Ce fut une excellente décision, mais qui nous arracha un peu le cœur, car cela condamnait le mécanicien de bord à prendre sa retraite comme premier maître. Quant au reste du personnel du service technique, il se révéla d'un excellent niveau et je pus me reposer sur lui en toute quiétude. Je lui fus particulièrement reconnaissant d'avoir su donner un grand coup de collier chaque fois que nécessaire, en travaillant jour et nuit, ce qui nous permit l'exploit d'avoir tous les avions disponibles au début de chaque essais. Le seul incident qui me revient en mémoire fut une erreur dans la fixation d'un radôme de radar lors d'une visite technique, début 1968. Lors du vol technique qui suivit, le dit-radôme s'envola dés que sorti et ne fut jamais retrouvé. Cela se passa heureusement au-dessus de la mer !

Je ne me rappelle plus très bien quelles étaient les fonctions des autres officiers. Dans le désordre je peux évidemment les citer presque tous. Autant qu'il m'en souvienne, les OE Castel, Suchet et Leclerq débarquèrent avant l'appareillage du Clémenceau pour le Pacifique. Parmi ceux qui firent cette campagne, le LV Dégé avait une particularité remarquable : un de ses oncles tenait une boite de nuit à Papeete, le Zizou-bar, dont le slogan m'est resté en mémoire "Et zou, tous au Zizou". Le LV Russeil fut un excellent CSO et un non moins bon ami tout au long de mon affectation. L'officier détecteur était mon excellent camarade de poste à l'Ecole Navale, le LV Layec. L'EV Castellani restait égal à lui-même, une des langues les plus acérées de la Marine. Il y avait aussi toute une rafale d'enseignes qui mettaient une saine fantaisie dans notre vie quotidienne. Ils avaient nom Bied-Charreton, Desclos, Normand, Olivier, Polverelli, de Pouqueville, Valentin. J'en oublie certainement.

La grande affaire de mon séjour à Hyères fut l'amerrissage de l'Alizé n°23. Je me rendais alors à bord du Clémenceau avec mon navigateur, le second maître (SM) Archambeault de Beaune, pour ramener à terre le général (Air) Maurin, chef d'état- major des Armées. Le récit détaillé de cet avatar, rédigé pour la revue du CPSAMAR (commission en charge de la sécurité aérienne dans la Marine), est ci-joint. Je dois ajouter que l'expérience a confirmé le SM Archambault de Beaune dans l'idée qu'il s'était trompé de métier. Je devais le retrouver quelques années plus tard comme avocat à Lorient!

Pour le reste, les huit mois que je passais à Hyères furent surtout consacrés à la préparation de la campagne dans le Pacifique. En particulier, il fallut suivre de prés les modifications apportées aux Alizé par les ateliers aéronautiques de la BAN Cuers afin de les rendre aptes à voler dans un nuage radioactif. Tirant parti de mes fonctions de CST, j'en profitais pour m'adjuger la plus grande partie des vols techniques. La routine de la vie à terre fut heureusement brisée par trois embarquements, un sur l'Arromanches du 23 au 27 octobre 1967 et deux à bord du Clémenceau, du 20 au 29 novembre 1967 et du 2 au 9 février 1968. Les concours en sous-marins, par contre, furent chiches.

Enfin le 12 février 1968 fut le grand jour, celui de l'embarquement à bord du Clémenceau, direction Papeete. Je revois encore nos douze avions bien alignés sur le parking de la 9F, et mettant leurs moteurs en route tous à la fois devant un parterre d'épouses dont beaucoup étaient en larmes. Le porte-avions nous attendait déjà au sud de Cépet et nous nous y installâmes pour dix mois.

La première escale fut Dakar. Un seul incident durant le trajet confirma la qualité de nos mécaniciens. Peu après l'appareillage, par un temps de "bran pilé" où le porte-avions roulait gaillardement, un paquet d'élingues de catapultage entreposé dans les espaces de rangement du plafond du hangar 3 se décapelèrent. Or juste en dessous se trouvait un Alizé en visite technique. Alerté durant mon dîner, je ne pus que regarder toutes les élingues pilonner l'une après l'autre notre pauvre avion. Quand la dernière termina enfin sa course il ne restait plus rien de l'habitacle de l'appareil. Grâce aux ateliers du bord l'avion put revoler dés notre appareillage de Dakar, ce qui fut un exploit technique.

Après Dakar nous mîmes le cap sur Nouméa, via Le Cap de Bonne Espérance et le Cap Tasman. Au cours de la traversée, nous mouillâmes devant la Grande Comores, encore territoire français. Là je connus mon heure de gloire, étant fait chevalier du Croissant Vert des Comores à la suite d'une simple plaisanterie de mon frère André, alors directeur de Radio-Comores. C'était ma première décoration. Elle reste certainement la moins méritée. Le récit de ce curieux incident est aussi ci-joint.

L'escale à Nouméa m'a laissé un excellent souvenir. Nous y fûmes particulièrement bien traités par la colonie d'officiers de marine ayant pris là-bas leur retraite. Puis, début mai, nous mîmes le cap sur Papeete, dans l'ignorance complète des événements de mai 68 en métropole.

Le 15 mai, j'annonçais à la Polynésie le retour d'un porte-avions français en effectuant notre première liaison aérienne avec Tahiti. J'étais accompagné par un second Alizé piloté par Dégé, évidemment attendu à terre par son tonton du Zizou Bar.

Les trois mois suivants furent consacrés aux essais nucléaires. Le CV Sanguinetti m'ayant désigné, du moins selon le LV Schmitt, comme le pilote des personnalités, je fus chargé de faire survoler le point zéro du tir de notre première bombe H par Robert Galley, alors ministre de l'industrie. A l'issue de la mission je dus le ramener à Hao. Sortant d'une longue période d'appontages, je commis à l'atterrissage un énorme boum sur la piste pourtant bien longue de l'atoll. J'en ai encore mal au dos rien que d'y penser. C'est peut-être pour cela que Robert Galley me quitta sans un merci ni un au revoir. Pour le reste, notre activité se déroula sans histoire, grâce surtout, je le répète, à la qualité du personnel de mon service. Je garde un excellent souvenir de plusieurs vols sur Bora-Bora, même si le corail dont était faite la piste construite par les USA durant la dernière guerre mondiale se révéla mortel pour nos pneus. Mais le summum de béatitude fut atteint lors des 15 jours durant les quels je remplis les fonctions aussi agréables que peu contraignantes de chef du détachement du Clémenceau sur l'aérodrome de Faaa.

Dans mes souvenirs surnage celui d'une partie de rugby de la 9F contre un élément de la Légion Etrangère. J'en ai oublié le score, certainement pas en notre faveur, mais pas le corail qui constituait la "pelouse" du terrain. La fameuse troisième mi-temps dut être à la hauteur de l'événement car je n'en garde qu'un souvenir très flou, à l'exception de notre retour à bord. En effet des membres de notre équipe avaient cru bon d'échanger leurs chemises contres celles de certains de nos adversaires. Or la chemise kaki du paquetage d'un légionnaire n'est prévue dans aucune de nos tenues, pourtant fort nombreuses. Cela me valut, en temps que responsable de l'équipe, une petite explication avec le chef du service intérieur le lendemain du match. Heureusement le LV Schmitsut ramener cette gravissime faute à son rang de peccadille et je n'en entendis plus parler.

Je terminerai enfin le récit de nos aventures polynésiennes en rendant hommage à l'excellente initiative de l'EV André Polverelli, plus connu sous le nom de "Popaul". Un samedi après-midi, profitant d'une permission du week-end, il partit en voiture de Vaïraho, où était mouillé le Clémenceau entre deux tirs, pour Papeete. En cours de route il remarqua, garée en bordure de forêt, la voiture qu'avaient louée deux officiers de la flottille, les EV Desclos et Normand. Il n'y prêta pas attention car il les savait amateurs de randonnées. Par contre, lorsqu'il retrouva la même voiture au même endroit, lors de son retour le dimanche après-midi, cela fit tilt. Il se précipita à bord où on lui confirma l'absence de Desclos et de Normand depuis samedi matin. Polverelli déclencha aussitôt l'alarme. Il fallut plusieurs heures de recherche et l'aide de pisteurs tahitiens pour retrouver nos deux enseignes, complètements égarés et coincés dans une cuvette dont ils ne pouvaient plus s'extirper. Lorsqu'on les retrouva ils étaient déjà bien affaiblis. Selon les spécialistes de la forêt tahitienne, Polverelli leur avait sauvé la vie.

Les meilleurs choses ont une fin. Et c'est ainsi que le Clémenceau appareilla définitivement de Tahiti au début d'octobre, sous le commandement d'un nouveau pacha, le CV Wacrenier. Avec plus de trente jours de mer jusqu'à Rio de Janeiro, ce fut la plus longue traversée de la croisière. Le jour du franchissement du cap Horn fut un des très rares de la croisière où le mauvais temps et les mouvements de plate-forme interdirent l'activité aérienne. Tous entassés sur le pont nous écartillâmes nos yeux au maximum mais la visibilité ne nous permit pas de voir grand chose. Certes nous rejoignions la caste des marins autorisés à cracher au vent après avoir doublé les trois cap, de Bonne Espérance, Tasman et Horn. Mais notre mérite n'en était pas bien grand.

Notre retour dans l'Atlantique devait être marqué par un exercice conjoint avec la marine argentine chargée de son organisation. C'est ainsi que je fus catapulté, au petit matin, pour aller chercher les ordres d'exercice sur le terrain d'aviation de Rio Gallegos, un des plus au sud du monde. Etant donné la température glaciale de l'eau, j'étais revêtu de la combinaison de vol dite "étanche", aussi inconfortable que disgracieuse. Les consignes que j'avais reçues n'étaient pas des plus nettes : "Vous ralliez Rio-Gallegos. Vous récupérez les ordres d'exercice. S'ils ne sont pas prêts, vous les attendez. Vous nous contactez après décollage pour que nous vous fixions un rendez-vous". Je ne sais pas si les dits-ordres n'étaient pas tout à fait prêts à mon arrivée. Ce que je sais est qu'un comité officiel d'accueil d'officiers argentins de toutes armes mais tous très galonnés m'accueillit au garde-à-vous sur le parking. Pire, un banquet m'attendait, avec mon navigateur, chez le gouverneur militaire du lieu. Et me voici embarqué dans une luxueuse limousine noire puis attablé avec moult personnalités en grande tenue, pour un repas tout ce qu'il y a de plus officiel, avec ma triste combinaison étanche à moitié rabattue sur mes sous-vêtements de vol. Je ne me suis jamais senti aussi mal à l'aise ! C'est pourquoi, lorsque après mon retour je me vis reprocher de m'être trop attardé, j'eus une réaction plutôt vive qui laissa pantois notre chef-avia (l'officier du bord ayant sous ses ordres tout ce qui vole).

Toujours dans l'emploi de pilote des personnalités, je fus, quelques jours plus tard, chargé de ramener à Rio de Janeiro le chef d'état-major de l'armée brésilienne. C'était un homme d'un certain âge, avec de gros galons dorés et parlant correctement le français. Arrivé à proximité de l'aéroport Santos Dumont, petite piste située au centre de Rio de Janeiro, je commençais à attaquer l'approche du terrain dans mon plus bel anglais aéronautique. Pas de réponse. Je changeais de fréquence et passais sur celle de la tour de contrôle. Toujours pas de réponse ! Après avoir vérifié avec le Clémenceau le bon fonctionnement de ma radio puis fait de nouveaux mais vains essais avec les Brésiliens j'étais bien ennuyé lorsque mon passager me dit "Je crois que vous parlez un peu espagnol. Essayez donc dans cette langue". C'est ce que je fis et, miracle, le terrain me répondit immédiatement. Pourtant je sais bien qu'au Brésil on parle le portugais. Comprenne qui pourra ... personnellement j'y ai renoncé !

Je ne m'étendrai pas sur l'escale de Rio de Janeiro. D'autres ont mieux parler de cette ville que je ne saurais le faire. Grâce à l'attaché de l'Air j'y fis connaissance du Canecaán, qui se targait d'être la plus grande boite de nuit au monde. Au risque de jouer les Cassandre, je dois dire que je me souviens surtout de la misère et de la saleté, y compris sur la fameuse plage de Copacabana.

Enfin ce fut le dernier appareillage avant le retour à Toulon. Du moins c'est ce que nous crûmes. Nous devions franchir l'équateur au cours d'une nuit. La veille j'avais désigné les avions des premières pontées de la journée, les vols devant débuter très tôt. Montant sur le pont vers 08h00, j'y constatais une activité fébrile autour des avions dont aucun n'avait décollé. Il semble me souvenir qu'on parlait même de les armer en munitions de combat. Durant la nuit, alors que nous n'étions qu'à quelques nautiques au sud de l'équateur, Paris ordonna de notre déroutement vers Libreville. Il s'agissait de faire quelques sorties au large du Nigéria afin d'apporter un support tout platonique aux Biafrais, que nous aidions plus ou moins ouvertement dans leur lutte pour l'indépendance. On appelait cela "faire de la gesticulation". Or Libreville se trouve quasiment à la latitude zéro. Par conséquent nous recoupâmes notre route aller au sud de l'équateur. On me dit que nous fûmes ainsi le premier navire de la Marine française à avoir fait le tour du monde entièrement dans l'hémisphère sud. Je n'ai jamais vérifié !

L'escale de Libreville me laissa le seul mauvais souvenir de la croisière. Comme à chaque escale un peu longue, nous avions mis quelques avions à terre afin de continuer à voler lorsque le Clémenceau était à quai. Sur le même parking stationnaient plusieurs appareils d'une petite compagnie française. Ces avions ne portaient aucune immatriculation et, autant qu'il m'en souvienne, étaient peints en noir. Chaque nuit, ils décollaient pour un petit terrain de campagne contrôlé par les Biafrais. Ils y livraient des armes et repartaient avec un plein chargement de petits orphelins âgés de quelques jours à une dizaine d'années. Ces enfants étaient recueillis dans d'immenses camps de tentes à la périphérie de Libreville. Je connaissais un des pilotes et une nuit j'allais l'attendre à son retour. C'est ainsi que je me retrouvais dans un car avec un petit Biafrais cramponné à un de mes doigts. C'était un bébé d'environ douze mois. Il présentait tous les signes d'une sévère malnutrition et était terrorisé. Arrivé au camp il ne voulut pas lâcher mon doigt, me regardant avec de grands yeux anxieux. Je lui donnais donc son premier biberon puis l'endormis. Le lendemain soir je revins le voir et lui donnais à nouveau son biberon ; Il resta cramponné à mon doigt tant que je fus auprès de lui. Le surlendemain nous appareillâmes pour quelques jours. Dés notre retour je me précipitais au camp. Il était mort durant mon absence, tout seul. Il était à peine plus jeune que mon fils Christophe qui m'attendait en France. Depuis j'ai du mal à croire en la bonté divine.

Finalement nous reprîmes notre course vers Toulon où nous arrivâmes à la mi-décembre. Les 15 et 16 décembre nous convoyâmes les avions jusqu'à la BAN de Lorient-Lann Bihoué, nouvelle base d'affectation de la 9F. Là se déroula le dernier incident notable de mon affectation à cette flottille. Il était prévu que nous ne restions que deux jours à Lorient avant de partit tous pour deux mois de permission. Je savais tout le travail à faire sur des avions qui venaient de passer dix mois en atmosphère saline avant de les stocker pour deux mois. Je suggérais donc à mon comandant de retarder de quelques jours le départ des mécaniciens. Mais la base, qui prenait la responsabilité des appareils en notre absence, nous assura qu'elle se chargeait de tous les travaux. Malheureusement, elle n'en fit rien. Lorsque la flottille rentra de permission, fin février 1969, tous les Alizé présentaient d'importantes corrosions qui nécessitèrent d'onéreux travaux de remise en état. Malheureusement j'avais été nommé au commandement d'un escadron de l'Ecole de l'Air dés notre retour et je ne revins à Lann Bihoué que 24 heures pour faire mes mouvements de débarquement. Je ne pus pas soutenir mon commandant lors de l'enquête technique diligentée par l'amiral commandant les porte-avions et l'aviation embarquée. Le LV Schmitdut moins bien se défendre que le chef du service technique de la base car ce fut la flottille qui supporta la quasi-totalité des responsabilités. C'était totalement injuste mais cela ne me concernait plus.

Trente six ans se sont écoulés depuis ces événements. Pour les évoquer je n'ai disposé que du support de mes carnets de vol et de quelques rares photographies. Mon récit contient donc certainement beaucoup d'erreurs et d'omissions. Mais c'est ainsi que perdure dans ma mémoire un épisode de ma vie de marin qui m'a profondément marqué. J'y pense très souvent.