Extraits de" "
par Alain Crosnier (Edition DTU)

I- Des hydravions à l'aviation embarquée
II- La 9F en Indochine
III- Le GAN Arromanches à terre
IV- Doctrine d'emploi de l'aviation embarquée

- I -
Des hydravions à l'aviation embarquée

Après les flottilles 4.F et 3.F, la 9.F est la troisième formation de l'Aéronautique navale à être armée de
Curtiss SB2C-5 Helldiver.

Sous le commandement du LV Jean Bourragué depuis le 1° septembre 1950, la 9.F est basée à Karouba, en Tunisie.

Le plan d'armement en matériel de l'Aéronautique navale pour le premier semestre de 1951 prévoit l'armement de la 9.F à 6 + 2 SB2C et, plus tard, à 9 + 3 avec 12 équipages. La flottille, jusqu'alors équipée d'hydravions Dornier Do-24, va abandonner ses gros trimoteurs de 17 tonnes, condamnés par l'âge, pour un bombardier en piqué. Ce monomoteur va changer les destinées de la 9.F.

Pour mener à bien cette transformation toute particulière, il s'agit pour le commandement de désigner un ingénieur mécanicien connaissant le matériel américain et de mettre en stage aux services techniques d' Hyères des officiers mariniers spécialisés. Le reste du personnel non-volant est réparti entre les flottilles 3.F et 4.F pendant le séjour que ces deux formations effectuent à Karouba en février et mars. Ce personnel effectue ensuite un stage à la section de déstockage de Karouba chargée de la réception des appareils américains à leur arrivée et de leur mise en ordre de vol.

Des dix pilotes brevetés hydravion alors embarqués à la 9.F. seuls quatre sont désignés pour se rendre à Hvères en avril 1951 en vue de se transformer sur SB2C. Les six pilotes non-retenus rejoignent d'autres formations, notamment la 7.F à Dakar qui opère sur Sunderland, et un renfort extérieur de quatre pilotes permet d'atteindre le premier armement prévu.

Un stage à la 54.S donne la possibilité à ces navigants, "'multimoteurs" pour beaucoup, d'être "lâchés" en double-commande sur un monomoteur "terrestre", en l'occurrence sur MS 474 Vanneau, avant d'effectuer la prise en main du nouvel avion d'armes et de s'entraîner au PSV (pilotage sans visibilité) sur NC. 701. Cet entraînement préopérationnel a lieu sur une base aéronavale où seule la l.F demeure en place en compagnie de la 54.S. En effet, la 4.F est aux Etats-Unis depuis avril pour réceptionner ses TBM Avenger, tandis que la 12.F est elle aussi outre Atlantique depuis début juin pour se transformer sur Hellcat.

De leur côté, les radio-radaristes effectuent un stage au sein de la 4.S à Lartigue en Algérie sur un Ju 52 spécialement équipé.

Transformation terminée, le 15 juin 1951 la flottille regagne la BAN de Karouba avec ses huit SB2C et, pour mission, la lutte ASM et l'assaut. La dotation est portée à douze avions en juillet. La Marine nationale désireuse de montrer ses nouveaux avions d'assaut et la flottille 3.F étant en Indochine, c'est la 9.F toute fraîchement transformée qui participe au meeting du Bourget et qui défile au dessus de la capitale le 14 juillet.  

Bienvenue à bord

La 9.F fait ainsi son entrée de belle manière dans l'aviation embarquée, une étape marquante pour la flottille puisque cette conversion s'opère dans le cadre de la réorganisation de l'Aéronautique navale de la mi-1951.

Les vols de nuit et l'entraînement d'armes constitue alors une bonne part de l'activité de la flottille. Cependant, aucun des champs de tir de l'Aéronautique navale existant à l'époque en Tunisie ne convient. Des champs de tir occasionnels et non homologués, adaptés à l'entraînement nouveau de l'aviation embarquée, sont mis sur pied, leur agrément auprès des autorités civiles, et parfois militaires, demandant l'énergique intervention du COMAR de Bizerte.

En août. la 9.F participe depuis son terrain tunisien aux exercices interalliés en Méditerranée entre Malte et Bizerte.

Des Vampire encombrants

La BAN de Karouba ne dispose pas de pistes en propre mais utilise celles de la base aérienne de Sidi Ahmed, terrain qui appartient à l'armée de l'Air. Depuis l'installation de la quarantaine de Vampire de la 7° escadre de chasse en octobre/novembre, l'utilisation de ces pistes d'envol par les appareils de l'Aéronautique navale basés à Karouba est devenue très difficile et perturbe la progression de l'entraînement. Un accord entre les deux armées prévoit la priorité des avions à réaction sur celle des appareils à hélice. Cependant, profitant de leur situation privilégiée, les Vampire occupent parfois l'une des pistes comme zone de stationnement, se réservant l'autre pour les mouvements aériens. Néanmoins, malgré une saturation du terrain et de l'espace aérien environnant, l'entraînement opérationnel de la flottille se poursuit au dessus de la Méditerranée et de la citée tunisienne.

Lutte ASM

A partir du 20 novembre, une partie de la flottille est détachée à Hyères pour entraînement aux ASSP. En six mois, elle est parvenue à un bon niveau d'entraînement en vol de nuit et à l'identification IFF. Après le stage au GASM (groupe anti-sous-marin) et de nombreux exercices avec les bâtiments à la mer servant de plastrons, les équipages sont également devenus familiers de l'emploi de l'AN/APS-4, un radar de détection monté en pod sous l'aile tribord des SB2C-5. Chaque membre d'équipage dispose d'un petit scope monté de manière permanente sur son tableau de bord.  

Triste décembre

La disparition de l'EVI Guy de Petyst Morcourt sur le 9.F-3 (BuAer 83412) le 11 décembre lors d'ASSP marque malheureusement le dernier mois de l'année 1951. époque où la flottille fait pour la première fois connaissance avec un porte-avions, en l'occurrence le La Fayette.

Le 14 ce sont en effet les premières qualifications à l'appontage avec l'EV Basan sur le 54.S-66 et le SM Mignot sur le 54.S-62. Le lendemain, le premier SB2C de la flottille, le 9.F-12, apponte piloté par l'EV Rougevin. La campagne d'ASSP se poursuit en janvier 1952 et l'ensemble de la flottille est qualifié sur le pont le 14 février. Le 15, le détachement rallie Karouba qui reste la base d'affectation de la 9.F.

Embarquements successifs

Pour l'exercice GRAND SLAM (26/2 au 3/3) au cours duquel les SB2C se posent à Naples. la flottille qui poursuit toujours son entraînement ne peut aligner que neuf pilotes. Enfin prête dans sa totalité, son premier embarquement intervient sur le La Fayette du 28 mars au 2 avril et la 9.F découvre l'Atlantique avec une escale à Lisbonne.

La première partie de l'année 1952 est consacrée aux vols en patrouille, de jour et de nuit, à l'entraînement d'armes. Les équipages se perfectionnent dans les disciplines du tir aux canons et aux roquettes ainsi que dans celle du bombardement en piqué avec bombettes d'exercice et bombes réelles sur le champ de tir des îles Fratelli dans le nord-ouest de Bizerte.

Nouvel embarquement le 30 avril sur le La Fayette pour une croisière de deux mois au cours desquels les SB2C participent à SANS ATOUT le (8/5) et ont l'occasion de se poser à Hyères, Lanvéoc-Poulmic, Lartigue, Port-Lyautey, Agadir et Alger, le porte-avions étant de retour à Bizerte le 30 juin.

Barrières et boulevards...

Durant cet embarquement on enregistre deux "barrières". Le 9 mai, les câbles d'acier immobilisent le BuAer 83599: réparable, il sera débarqué à Oran pour être dirigé vers la DCAN de Toulon. Le 5 juin c'est au tour du BuAer 89374 de connaître un sort identique; il sera réparé à bord et disponible dès le 10.

Après un ultime entraînement d'armes et des séances d'ASSP à Depienne (un terrain de début) et à Karouba, la 9.F atteint sa pleine cohésion. Au moment où se dessine son départ pour une campagne en Extrême-Orient au titre de flottille d'assaut embarquée, son niveau opérationnel est acceptable.

Le 1" août 1952, la 9.F ne dépend plus de Karouba : elle est affectée à l'Arromanches. Le 18, au large des côtes tunisiennes, la flottille rejoint son porte-avions. L'entraînement à bord débute et, dès les premiers jours, le SM Le Franc met deux avions dans le boulevard tribord : le 9.F-7 (BuAer 89397) le 19 et le 9.F-8 (BuAer 89435) le 20 août.  

Hélicoptères sur l'Arromanches

Accompagné de l'escorteur Marocain. l'Arromanches quitte Toulon le 29 août 1952 pour l'Indochine avec à son bord la 9.F et la flottille 12.F armée de chasseurs Hellcat. Sont également embarqués les deux hélicoptères Sikorski S-51 de l'escadrille 58.S destinés aux opérations de sauvegarde pendant les manœuvres aviation. Après la première expérience avortée de l'été 1951 sur ce même porte-avions, il s'agit là du premier embarquement opérationnel pour les nouveaux hélicoptères de l'Aéronautique navale. Numérotés 58.S-10 (c/n 5102.) et 58.S-11 (c/n 5106), ces deux hélicoptères sont munis d'un treuil pour la récupération des équipages tombés en mer.

Pour la première fois sur la route vers l'Indochine, le pont d'envol est disponible pour des manœuvres aviation pendant la traversée. Cependant, les vols devant s'effectuer à proximité de bases françaises où alliées, l'entraînement aérien est limité et ce n'est qu'au sortir de la mer Rouge, le 9 septembre, que des appareils des deux flottilles survolent la Côte française de Somalis.

Entraînement à RAF Sembawang

Après une escale à Djibouti, le porte-avions repart le 13 pour faire escale à Singapour du 23 au 27 septembre. Le groupe aérien en profite pour mettre en place un détachement de SB2C et F6F à Sembawang et donner à ses pilotes l'occasion de travailler leurs disciplines respectives avant d'entrer en opérations. Six Helldiver s'entraînent au bombardement, à l'assaut, au cheminement et à la navigation radar alors que les Hellcat s'exercent dans des activités plus spécifiques comme la chasse pure.

Le 27 septembre, les 6 SB2C décollent de Sembawang, font route au nord-est et se posent à Kota Bharu sur la côte est de la Malaisie pour ravitailler avant de rejoindre Tan Son Nhut, la sécurité SAMAR étant assurée par un Privateer de la 8.F. De son côté l'Arromanches a quitté Singapour et navigue vers Saïgon.

Le 28 dans l'après-midi, le porte-avions catapulte 3 Helldiver et 8 Hellcat alors que 3 des premiers et 7 des seconds décollent du bord. Les 21 appareils défilent sur Saigon avant d'atterrir à Tan Son Nhut.